Brennpunkt Nahrung Community

Mon compte

Langue

Expertise Brennpunkt Nahrung 2023

«Les prix des denrées alimentaires augmentent et fluctuent massivement dans le monde entier»

Dans une interview accordée au BauernZeitung, Martin Keller, CEO de Fenaco, parle des incertitudes géopolitiques et des changements d'habitudes alimentaires. Lors de la conférence spécialisée Brennpunkt Nahrung, le 7 novembre à Lucerne, il fera un exposé sur la sécurité de l'approvisionnement.

Brennpunkt Nahrung
Luzern, Suisse

Entretien : Simone Barth, publié dans le BauernZeitung du 20.10.2023

Fenaco est le plus grand acheteur de produits agricoles indigènes et en même temps le plus grand importateur de moyens de production pour l'agriculture. A l'occasion de la conférence spécialisée Brennpunkt Nahrung, qui se tiendra le 7 novembre à Lucerne, le CEO Martin Keller s'exprime sur la sécurité d'approvisionnement en période d'incertitude.

Qu'en est-il de la sécurité de l'approvisionnement en produits agricoles en Suisse et quels sont les produits qui résistent le mieux aux crises et ceux qui résistent le moins ?

Martin Keller : La sécurité de l'approvisionnement en Suisse est généralement garantie, même en cas de crise comme la pandémie de Corona ou, actuellement, pendant la guerre en Ukraine. Les raisons essentielles en sont la production nationale fiable, l'infrastructure agricole puissante du groupe Fenaco-Landi et d'autres, la réassurance par des réserves obligatoires ainsi que des relations commerciales internationales établies.

Quelles sont les stratégies d'approvisionnement de Fenaco ?

Nous nous engageons pour un approvisionnement élevé par l'agriculture suisse. Ainsi, l'année dernière, 90% des principales matières premières alimentaires que Fenaco négocie et transforme elle-même provenaient de Suisse. Parallèlement, l'approvisionnement en matières premières à l'étranger est important et nécessaire. Par exemple lorsque les produits agricoles ne poussent pas chez nous ou ne sont disponibles qu'en quantité insuffisante. C'est là que nos relations commerciales internationales de longue date entrent en jeu. Grâce à notre poids d'inertie, nous sommes en position de négocier d'égal à égal avec nos partenaires. Grâce à ces importations complémentaires, nous garantissons la disponibilité des marchandises en Suisse, même en cas de pénurie de la production nationale.

Quels sont les plus grands défis de l'approvisionnement et comment l'approvisionnement de Fenaco y fait-il face ?

L'agriculture en Suisse et dans le monde doit faire face à de grands défis. Parmi ceux-ci figurent les incertitudes géopolitiques, la croissance démographique et les nouvelles habitudes alimentaires des consommatrices et des consommateurs. Mais le changement climatique et la perte de terres fertiles jouent également un rôle important. En conséquence, la sécurité alimentaire a tendance à diminuer. Les prix des denrées alimentaires augmentent dans le monde entier et fluctuent massivement. Dans l'ensemble, l'agriculture suisse est bien positionnée. En collaboration avec la recherche, la formation et le conseil, nous développons des solutions concrètes pour continuer à produire en Suisse des aliments sains, sûrs et durables.

Quel est l'impact de la situation politique mondiale sur la production nationale ?

Le Moniteur Ville-Campagne 2023 de Fenaco le montre clairement : la population suisse souhaite une nette augmentation du taux d'auto-approvisionnement, qui devrait atteindre environ 70%. L'évolution actuelle de la politique mondiale devrait encore renforcer ce besoin. Personnellement, je ne pense pas qu'une augmentation du taux d'auto-approvisionnement net en Suisse à bien plus de 50 pour cent soit réaliste, ne serait-ce qu'en raison des surfaces arables limitées. Nos relations commerciales internationales restent donc importantes, par exemple pour surmonter ponctuellement des récoltes plus faibles et pour compenser des pénuries, comme c'est malheureusement le cas actuellement en raison d'une faible récolte de pommes de terre.

Où voyez-vous la responsabilité de Fenaco lorsqu'il s'agit de l'impact sur l'environnement, les animaux et les hommes, et où se situent les limites ?

Pour reprendre une image du football : l'agriculture suisse joue en tête de la "ligue des champions" pour tous les aspects de la durabilité. Nous voulons conserver cette position à l'avenir. Par exemple, avec le programme d'innovation Innovagri, nous encourageons, en collaboration avec Landi, les nouvelles technologies dans les champs et les cultures suisses. Nous contribuons ainsi, entre autres, à la trajectoire de réduction des produits phytosanitaires.

Comment jugez-vous la compétitivité et la situation des revenus de l'agriculture suisse ?

Ces dernières années, les agriculteurs et agricultrices suisses ont pu augmenter leur revenu de manière continue, par petites étapes. Cette évolution positive à long terme a été suivie d'une tendance négative au cours des deux dernières années en raison de l'augmentation massive des prix des matières premières et de l'énergie, déclenchée par la pandémie de Corona et la guerre en Ukraine. Nous en ressentons également les effets au sein du groupe Fenaco-Landi, avec des résultats nettement plus faibles. Je continue à porter un jugement positif sur les perspectives à long terme. Il est important que les agriculteurs et agricultrices suisses misent systématiquement sur leurs atouts. En font partie la qualité élevée et la sécurité des produits ainsi que le caractère régional et la proximité avec les consommateurs, mais aussi les normes élevées en matière de bien-être animal et de traçabilité des produits agricoles. Les consommateurs suisses ont une grande confiance dans l'agriculture nationale.

Quelles sont les mesures de politique (agricole) pertinentes pour l'approvisionnement de Fenaco ?

Les principaux instruments de politique agricole sont premièrement la protection à la frontière pour garantir l'approvisionnement du pays en denrées alimentaires produites dans le pays. Et deuxièmement, les paiements directs aux agricultrices et agriculteurs suisses. Ceux-ci devraient être clairement orientés vers les besoins des consommatrices et des consommateurs.

Où voyez-vous un besoin d'agir au niveau des conditions-cadres politiques ?

Je vois en revanche un besoin d'agir au niveau de l'autorisation, aujourd'hui compliquée, des produits phytosanitaires modernes pour la production conventionnelle et biologique en Suisse. Selon le Conseil fédéral, entre le 1er janvier 2016 et le 1er juillet 2021, 67 substances actives ont été supprimées de l'ordonnance sur les produits phytosanitaires et l'autorisation a été retirée à 511 produits.

Durant la même période, 28 nouvelles substances ou organismes ont été inscrits et 252 nouveaux produits ont été autorisés. Les agriculteurs suisses perdent ainsi des instruments importants pour assurer leurs récoltes et donc l'approvisionnement de la population suisse. Nous le ressentons par exemple par le manque de quantités de pommes de terre et de colza. De plus, nous constatons plus souvent des problèmes de qualité pour les légumes et les fruits, ce qui entraîne des rebuts et du gaspillage alimentaire. Soit nous nous alignons sur l'UE non seulement pour les suppressions, mais aussi pour les nouvelles homologations, soit nous accélérons nettement nos propres procédures d'homologation afin que l'agriculture suisse reste compétitive.

Comment Fenaco influence-t-elle les conditions-cadres politiques ?

Fenaco se concentre sur ses activités sur le marché. La représentation politique des agricultrices et agriculteurs suisses est l'affaire de l'Union suisse des paysans, qui le fait avec succès depuis des années. Les deux initiatives agricoles extrêmes de 2021, que nous avons combattues avec succès côte à côte avec l'agriculture suisse, ont constitué une exception à cette règle. Nous en avons tiré la leçon que nous devions nous engager davantage en faveur du dialogue entre la ville et la campagne. Pour ce faire, nous avons lancé le moniteur Fenaco ville-campagne et versé 10 millions de francs à la Fondation pour une alimentation durable par l'agriculture suisse. Celle-ci soutient ainsi des projets qui servent d'intermédiaire entre les groupes de population ruraux et urbains et contribuent ainsi à une meilleure compréhension entre les producteurs et les consommateurs.